Et voici la magie que l’on obtient quand on ose parler avec son cœur !
Cet article est un ancien article récemment mis à jour. Merci Audrey Akoun pour ce magnifique article. Audrey Akoun, thérapeute familiale et auteur avec Isabelle Pailleau de « Apprendre autrement avec la Pédagogie Positive » chez Eyrolles
Le jour où j’ai compris que j’avais été une mère aidante !
Hier c’était la rentrée des classes. Source de stress pour certains, d’excitation pour d’autres, chaque année, pour moi, cette rentrée rime avec remise en question parentale. Chaque année, je me dis que cette fois-ci, je vais mieux faire et que j’essaierai de ne plus commettre d’erreurs avec mes enfants. J’ai toujours un petit reliquat de culpabilité sur mes erreurs passées et une anticipation anxieuse sur mes erreurs à venir.
Hier matin, alors que je conduisais mon aîné de 17 ans, pour sa rentrée en Terminale à l’internat, un miracle s’est produit. Nous avions une heure et demie de trajet en tête à tête (enfin plutôt côte à côte).
Alors que nous écoutions la playlist que mon fils avait spécialement préparé pour l’occasion, il lâche :
« Tu sais maman, c’est fou comme j’ai changé ! Je sens vraiment que j’ai évolué, je me sens vachement bien dans ma tête et dans ma vie. »
Moi : « C’est vrai chéri, je trouve aussi que tu as mûri. Tu es plus posé et plus joyeux et ça me fait très plaisir. »
« Non mais c’que j’veux te dire, c’est que j’me rends compte de tout ce que tu as fait pour m’aider … Pourtant ça n’a pas été facile tous les jours. Je t’ai détesté, même, par moments. Détesté de me mettre face à la réalité, de ne pas me laisser végéter quand je n’avais aucune motivation, de me laisser me débrouiller seul pour plein de trucs … C’est vrai, je sais que je n’ai pas toujours été cool avec toi.
Et c’est pendant mes vacances (il est parti seul en vacances avec ses amis pendant 15 jours que j’ai pris conscience de tout ce que tu avais fait pour moi. Tu m’as aidé à devenir un homme autonome, débrouillard et responsable.
Même pour l’école ! Aujourd’hui, je sais que j’ai l’embarras du choix pour mon orientation et que je peux choisir tranquille car tu vas me conseiller mais pas me décourager de prendre une voie ou une autre. J’ai confiance en moi, j’suis pas stressé pour la rentrée. Je sais que je vais réussir. Alors que tu te rappelles, il y a encore 2 ans : je voulais arrêter l’école à 16 ans. »
Moi : « Tu sais, c’est aussi grâce à toi et à tous les efforts que tu as faits … » Et à ce moment-là, sentant les larmes perler au bord de mes paupières, j’ai compris que dans mon imperfection, malgré mes erreurs, j’avais été une mère aidante.
Mon fils est un drôle de zèbre, comme on dit. C’est un garçon brillant et infiniment gentil. il est aussi très complexe et désarmant par moments. Il a eu un parcours scolaire très chaotique : Il adorait l’école jusqu’en CE1. Puis il a commencé à détester et à faire le pitre. Déprimé en CE2, on lui a fait sauter une classe car il s’ennuyait trop. Cela fut mieux. Puis le calvaire a recommencé en 4ème, qu’il a redoublée. A la fin de sa 2nde, il n’avait assisté qu’à la moitié des cours. Je pense que l’établissement aurait pu lui décerner le diplôme de l’absentéisme. C’est à sa deuxième seconde, qu’il a eu le déclic, ce qui lui a permis d’annuler son redoublement en cours de route et de passer en 1ère S qu’il a terminé brillamment.
Pendant toutes ses années d’adolescence, il y a eu des fugues, nous nous sommes beaucoup disputés aussi, nous balançant mutuellement des vilains mots tel des flèches empoisonnées décochées en plein coeur. Il a traversé des périodes d’hibernation intense.
Moi j’essayais de trouver toujours des solutions, de calmer le jeu. J’essayais de me remettre en question. Je l’aimais et lui montrais par mon affection et mon attention. Mais cela ne suffisait pas. Je me suis souvent sentie à bout de nerfs, inquiète, en colère, frustrée, triste et coupable. Combien de fois je me suis entendue dire ou penser : « Je dois vraiment être nulle comme mère pour que mon fils se sente aussi mal ! »
A cela venait s’ajouter la culpabilité liée à mon métier de psychologue. « Ah si j’étais aussi bonne avec mes enfants que je suis bonne avec mes patients, tout irait bien… »
Et pourtant, hier matin j’ai compris ce qui m’avait permis d’aider mon fils à grandir. Ca m’est apparu comme un puzzle de 5 pièces enfin reconstitué dans ma tête. J’ai vu tout ce que j’avais fait d’aidant, en dépit de mes erreurs. Cela se résume en 5 points :
1/ GARDER UN REGARD BIENVEILLANT ET RÉPARER
J’ai toujours essayé de garder au maximum le regard bienveillant que je porte sur lui depuis sa naissance. Dans les moments où il me poussait au bout de mes limites (et ça, les enfants savent très bien le faire), et que la colère montait, je m’accrochais à l’image de lui petit garçon qui avait le don de me faire rire avec ses petites phrases, juste pour ne pas oublier que c’était bien le même enfant que j’avais sous les yeux et non un adolescent sadique qui m’était étranger.
Et puis parfois les ados poussent le bouchon tellement loin et nous nous sentons tellement démunis que nous n’arrivons pas à contenir notre colère et nos angoisses. Et là, les mots et les gestes malheureux peuvent arriver (même si l’on est niveau supérieur en yoga).
Inutile de se flageller pendant des heures. La bonne nouvelle que j’ai apprise, c’est que nous pouvons toujours nous rattraper et réparer la relation.
J’ai compris qu’à chaque fois que j’ai eu une dispute avec mon enfant, j’ai eu l’humilité de revenir vers lui et de reconnaître que j’aurais dû mieux me contrôler et ne pas dire des choses blessantes. Je suis revenue vers lui pour faire la paix et lui renouveler mon désir d’avoir une jolie relation avec lui. Pour une parole négative, je compensais toujours par au moins cinq choses positives que je trouvais bien chez lui. pour ne pas l’enfermer dans une vision négative de lui-même.
2/ AUTONOMISER
Je revois mon fils en train de crier au scandale lorsque je lui ai demandé pour la première fois de s’occuper de son linge, lavage et repassage si besoin (il avait 14 ans). « Mais je ne sais pas comment faire !!!! et puis c’est aux femmes de faire ça. Les mamans des autres, elles leur font leur linge. C’est juste parce que t’es feignante que tu veux que je le fasse à ta place ». Je lui avais simplement répondu: « Pas de problème, je vais te montrer comment on fait et ensuite tu pourras le faire seul. Tout le monde participe dans la maison, indépendamment de son sexe ».
Idem pour la cuisine, pour l’appel au service client de son téléphone portable, pour les papiers administratifs scolaires, pour ses courses, etc.
Mon but a toujours été qu’il puisse rapidement se débrouiller seul afin qu’il gagne en confiance en lui, qu’il n’ait pas peur du monde extérieur et qu’il puisse croquer la vie à pleine dents sans être dépendant de sa Môman, une fois adulte.C’est aussi cette autonomie au quotidien qui permet à l’enfant de rentrer dans les apprentissages plus facilement.
3/ VALORISER
Au milieu des prises de tête dans la période critique de son adolescence, j’ai veillé à valoriser chaque petite chose positive. Je traquais toutes les paroles et comportements positifs chez mon ado, je me focalisais sur chaque progrès ou amélioration pour les lui faire remarquer. J’ai toujours valorisé les aspects positifs de sa personnalité et ses actions plutôt que de ressasser ses défaillances et ses échecs.
Et je pense aujourd’hui, avec du recul, que cela a été un bon levier de motivation. Il a pris de plus en plus confiance en lui jusqu’à se sentir assez fort pour essayer de se mettre vraiment au travail (au risque d’échouer).
Je crois que la phrase que je lui ai le plus répétée (après je t’aime) est: « Je n’attends pas de toi les meilleurs résultats. Le résultat je m’en fiche pour l’instant. J’attends de toi que tu essayes de travailler honnêtement. Que tu fasses des efforts et que tu persévères.
4/ GARDER LE LIEN
Hormis et en dépit des tempêtes que nous avons traversées avec mon fils, je sais que ce qui nous a sauvé c’est ma capacité à ne pas avoir oublié mon adolescence et à m’intéresser à l’univers de mes enfants. Mon fils m’a toujours dit : « Ce qui est cool avec toi c’est que t’es une mère jeune dans ta tête. » Je crois que dans sa bouche ça veut dire : « Tu écoutes de la musique et tu regardes des films avec moi, tu t’y connais bien en jeux videos, tu accueilles mes amis à la maison et tu parles avec eux sans que cela soit un interrogatoire et surtout tu me fais rire. T’es un peu fofolle mais t’es drôle. »
Je crois que c’est ça le truc : On peut mettre un cadre et des règles qui parfois font hurler nos enfants. Mais on peut aussi s’intéresser à eux vraiment pour ce qu’ils sont, sans jugement ou censure. Je n’ai pas beaucoup de temps à consacrer à chacun de mes enfants (j’en ai 4) alors j’essaye de passer du temps de qualité entre les moments où je dois jouer mon rôle de parent, car c’est aussi mon rôle.
Un film, de la musique, un câlin (oui nous faisons encore des câlins, n’en déplaise à M.Freud), le laisser me raconter ses trucs à lui, qui ne m’intéressent pas forcément dans l’absolu… Ce qui m’intéresse c’est de l’écouter lui et de voir son enthousiasme lorsqu’il me parle d’un truc qu’il le passionne ! En l’écoutant, je lui montre qu’il est important et que son opinion compte.
5/ VOIR A LONG TERME ET LACHER-PRISE SUR SES ANGOISSES DE PARENT
J’aurais attendu 17 ans pour être soulagée et avoir l’assurance que je ne suis pas une mère si nulle que ça !!! Je dirais même plus : Les mots de mon fils dans cette voiture donnent du sens à tous les doutes que j’ai pu avoir et effacent ma culpabilité.
J’ai compris, aujourd’hui, que lorsqu’on élève un enfant, il ne faut pas attendre de résultats immédiats à nos actions. Au risque pour nous d’être souvent déçus, frustrés et en colère. Il faut garder la conviction que chaque action aura un effet à long terme et dans l’immédiat se contenter de profiter de chaque instant de bonheur partagé avec son enfant
L’autre prise de conscience est que ce chemin n’est possible que si l’on lâche un peu prise à nos inquiétudes de parent (bien légitimes) et qu’on ne leur met pas la pression juste pour nous rassurer. Et les sujets d’inquiétude, ce n’est pas ce qui manque ! Santé, avenir professionnel, fréquentations, etc.
Lâcher-prise sur ses angoisses permet d’abaisser un peu nos attentes mais surtout de responsabiliser l’enfant, et de surcroît l’ado, quant à la manière dont il construit sa vie.
Lâcher-prise ne signifie pas pour autant les laisser faire ce qu’il veulent. Le cadre est là pour guider et rassurer. Le lâcher-prise est beaucoup plus de l’ordre de la posture, de notre manière de communiquer et d’être en relation.
Vous l’aurez compris, cette rentrée a été pour moi très riche en émotions et en leçons de vie. J’ai remercié mon fils pour cette reconnaissance et lui ai renouvelé toute l’estime et la confiance que j’avais en lui.
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Wouah, merci, merci pour ce témoignage plus que positif ! C’est une magnifique preuve d’amour et de « reconnaissance ».
Chère Christine, encore une fois, merci pour ce partage. Nombre de paroles de cet article font écho ici et me font réfléchir à bien des choses. A méditer ce week end…